Texte – Je résiste, tu métaphorises …

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Conférence dialoguée présentée lors des journées d’étude de la FOF Grand Est,  « RESISTANCES », 23 et 24 novembre 2018 à Strasbourg

Je résiste, tu métaphorises… et nous chantons sous la pluie

Brigitte BRUNEL et Isabelle CANIL, orthophonistes, formatrices aux Ateliers Claude Chassagny

 

 

Nous sommes  très contentes et honorées de venir parler ici, des formes que prend notre résistance, ou nos résistances.

Sur la plaquette de la FOF, le S à Résistances est mis entre parenthèses, et c’est très bien, c’est subtil et important cette histoire de pluriel ou singulier.

Brigitte Brunel : Ce mot « résistance » auquel Isabelle et moi, n’avons pas su résister est très évocateur. C’est un beau mot…. Un mot qui se conjugue à toutes les personnes : je résiste,  tu résistes, il, nous…

 A quoi résiste-t-on ?

Isabelle Canil : Je dirais qu’à travers DES résistances au pluriel, qui s’inscrivent dans UNE résistance, au singulier, bien plus large, bien plus globale et qui dépasse l’orthophonie forcément, on résiste à l’air du temps. Le propre de l’air du temps, l’air de n’importe quel temps, c’est de nous prendre dans son discours, puisque c’est comme une enveloppe de mots qui nous entourent. Et on n’y échappe pas, puisque c’est là, dans toutes les situations de nos vies. Qu’on s’y coule avec résignation, voire avec délice, ou qu’on s’y cogne tout le temps, ou par sursaut, on est bien obligé de faire avec. Mais évidemment, on ne mènera pas notre vie – et notre travail qui occupe beaucoup de place dans nos vies- de la même façon, selon qu’on est content de l’air du temps et qu’on y adhère, et qu’on veut y participer, ou selon qu’on n’en est pas content, qu’on en soit déçu, heurté, choqué…

L’air du temps, évidemment, va avoir des effets sur nous et notre pratique. Évidemment encore, puisqu’on est là, vous devez bien penser qu’on n’en est pas très contentes de l’air du temps. Alors que faire quand l’air du temps ne nous convient pas ? Quand il nous blesse dans nos convictions les plus profondes ? Quand la pluie des injonctions nous ferait courber le dos ? On est bien obligé de résister. Résister à la petite semaine je dirais, mais aussi à la grande… C’est à dire un peu tout le temps ! Ça devient un fonctionnement naturel.

Par quoi on commence ?

Brigitte Brunel : Par la résistance collective…. Celle qu’on mène à plusieurs, qui nous permet de prendre du recul par rapport à l’air du temps, de construire une pensée, une pratique, une assise suffisamment solide pour qu’on tienne quand on est seul. C’est comme ça que les Ateliers Claude Chassagny auxquels nous appartenons toutes  les deux,  se sont construits. Les Ateliers Claude Chassagny sont un lieu de réflexion, sur le langage, sur ce que c’est que parler, cœur de notre métier. C’est un lieu d’élaboration de pratiques professionnelles qui découlent de cette réflexion, et enfin, un lieu de  transmission des idées et des pratiques issues de cette réflexion. Un lieu qui dit que parler ce n’est pas chiffrer.

Un lieu où nous avons voulu participer à la définition et la construction de notre métier, en participant à la refonte des études d’orthophonie, en organisant des journées de réflexion et  des cycles de formations…

 Pour organiser des formations, il faut se faire reconnaître comme organisme de formations. C’est là que la marche sous la pluie commence, avec la découverte de l’OGDPC, des DATADOCKS et autre FIFPL et  leurs dictats.   Des heures de discussions, de déchiffrage de textes administratifs abscons, de tentative de conciliation de leur vocabulaire avec le nôtre, d’appels téléphoniques…. la résistance a un coût énergétique certain, heureusement qu’on est plusieurs !

Bon, formidable, les Ateliers sont reconnus comme organisme de formations. On est aussi, comme ils disent « datadockés » ! Datadockés ! C’est la novlangue dont a parlé Roland Gori hier,  la langue de la technique, pas facile à habiter si ce n’est inhabitable et évocatrice de pas grand-chose…..

On a bossé comme des fous pour l’être ! Donc, les Ateliers sont un organisme de formation datadocké. Pas datatoqués, hein, dataDockés, c’est pas pareil, et c’est utile pour un organisme de formation. Ça veut dire paraît-il qu’il est sérieux, de qualité etc… Alors, on est plus que content ! 

Mais, mais, la joie est de courte durée : le comité « scientifique » de l’OGDPC, dont on ne connaît pas la composition rejette les formations que les Ateliers organisent. Elles ne correspondent pas, ou plus parce que certaines existent depuis des dizaines d’années !, elles ne correspondent plus à leur avis, aux injonctions de l’HAS, qui, elle, semble savoir ce dont les orthophonistes  que nous sommes et leurs patients  ont besoin. Et nous aurions besoin de formations, dans l’ensemble, courtes (une journée, deux maxi), plutôt non présentielles (pas besoin d’être ensemble pour se parler,  et c’est moins cher), et techniques, et c’est là que l’air du temps nous rattrape, parce que « techniques », on l’a compris, veut dire (sans le dire)  appuyées sur les neurosciences ! 

C’est fatiguant, la résistance, mais les Ateliers  continuent, tant qu’ils le peuvent, à proposer des formations longues, 6 ou 12 journées réparties sur une ou deux années, soutenant qu’il  faut du temps pour qu’une réflexion clinique s’élabore, et présentielle : on a besoin que ceux à qui on parle soient là…

Si vous voulez y participer, bienvenus, vous ne serez pas déçus, mais vous ne serez pas aidés financièrement….Ça devient  presque un acte de résistance, de participer à ces formations !

 Ça, c’est pour la résistance collective avec les Ateliers.

Isabelle, tu participes aussi à la revue Pratiques ?

Isabelle Canil : Oui. « Pratiques » ou « Les cahiers de la médecine Utopique ». En deux mots, « Pratiques » est une très belle revue trimestrielle qui existe depuis 1975, menée par des bénévoles, et qui traite du soin, sans une once de pub, qui défend des valeurs de solidarité dans l’accès aux soins, qui défend qu’on ne peut soigner qu’à la condition qu’on fasse du un par un, ce qui implique une écoute de la personne, et qu’on la considère dans sa globalité. Chaque numéro aborde un thème, éclairé par les sciences humaines, sociales et la médecine. Le prochain numéro traitera du démembrement de la psychiatrie.

Brigitte Brunel : Et enfin, bien sûr, dans la résistance collective il y a notre appartenance syndicale, je vous laisse deviner laquelle….

Vous savez que Claude Chassagny, dont notre association porte le nom, a participé à la création de cette fédération qui nous réunit aujourd’hui. Les Ateliers et la FOF sont cousins, en quelque sorte…. Voilà pour la résistance syndicale….

Quelques mots au passage à propos de Claude Chassagny, pour ceux qui ne le connaissent pas : contemporain de Suzanne Borel-Maisonny dont il n’a pas suivi le chemin, mais avec elle, il est  à l’origine de la structuration de notre profession, qui est relativement jeune puisque elle date de la fin des années 60.  Claude Chassagny est également à l’origine d’un CMPP breton, ainsi que de l’école d’orthophonie de Lille.

Isabelle Canil : Brigitte parlait de la nécessité d’avoir une assise sans cesse en construction, pour soutenir notre pratique. Cette assise, c’est aussi une réflexion qui discute avec l’air du temps. Bon, d’accord, mais qu’est-ce qu’il dit, l’air du temps ?

Brigitte Brunel : Au début, l’air du temps me disait, et je l’ai déjà dit ailleurs, que mon métier c’était d’apprendre à parler « bien » à ceux qui parlent « mal ». Alors je me suis évertuée à  apprendre à parler « bien » à ceux qui parlaient « mal ». J’avais des outils pour ça qu’on m’avait donnés à l’école d’orthophonie. Comment on différencie les sourdes et les sonores, les « b » des « p » par exemple,  tout un tas d’exercices et de répétitions, un guide-langue (oui ! un guide-langue….) des « jeux » qui, je m’en suis rendue compte au fil du temps, n’en étaient pas, des dictées qui n’étaient pas une parole écrite mais qui servaient à mesurer la profondeur de la dysorthographie, des lectures-types qui n’ouvraient pas à l’écoute de la parole de l’autre mais mesuraient la profondeur de la dyslexie. Bref, on m’avait appris quelque chose qui disait que parler c’était se conformer à une norme de laquelle je devais aider les patients à se rapprocher le plus possible. Vous savez, « ortho » = droit. J’ai appris depuis qu’on pouvait dire aussi « juste » : orthophonie = une parole, un son « juste ». Ça me convient mieux…

J’ouvre une parenthèse ; maintenant on parle moins d’inversions et de confusions.  Les patients sont  affectés aujourd’hui par plein de nouvelles maladies. Sont apparus les dyspraxies, dyscalculies, troubles de l’attention, hyperactivité. Des sigles nouveaux : TED, TDAH, TSLA, ….  Avec ces nouvelles « maladies », sont arrivées des méthodes toutes plus incroyables les unes que les autres pour réparer tout ça : faire travailler les yeux plus vite, remettre d’aplomb les plantes des pieds qui ne le sont pas, faire revivre au corps tout le cheminement de son développement depuis la naissance. On a prescrit des ordinateurs et même des anxiolytiques ou des psychotropes. Rien n’y a fait, le nombre d’enfants d’adolescents, d’adultes avec des difficultés de parole ou de comportement à l’école ne baisse pas.

 Si je reviens à ce que j’ai appris à l’école d’orthophonie, cette histoire de norme,  je dirais que j’avais le sentiment qu’apprendre à parler bien, c’’était facile grâce aux techniques. Je me sentais forte de mon savoir, mais je me suis assez vite ennuyée. Toujours la même chose, et puis je voyais bien que ma « science » n’était pas toujours efficace. Et plus je cherchais dans cette direction, une meilleure pédagogie, de meilleures techniques, des exercices plus fins (j’étais jeune, faut pas m’en vouloir), plus je perdais de vue mes patients alors que c’était pour eux que j’avais voulu faire ce métier.

 J’ai fini par comprendre qu’il me manquait, dans ce savoir-là, une autre dimension. Et cette dimension est bien plus difficile à exposer que la différence des sourdes/ sonores. Ce qui me manquait, nous manquait, c’était le sens, le sens que cette difficulté prend pour le patient.

Isabelle Canil : Ce qui manquait, c’était peut-être le fait de considérer que cette difficulté, c’était aussi sa prise de parole au patient ….

L’explication du comment ça marche n’est pas suffisante. La difficulté à différencier un d d’un b, ou à organiser « cra » ou « car » s’explique, nous disait-on, par un trouble de l’organisation spatiale (maintenant on a tendance à dire que c’est un trouble attentionnel).  Mais pour nous,  ce n’est pas suffisant, parce que pourquoi, ce patient a un trouble de l’organisation spatiale ou un trouble attentionnel, ou de mémoire ? On nous répond : parce qu’une zone cérébrale est mal activée. Mais ça ne fait que repousser la question d’un cran !

Pourquoi le cerveau n’est pas bien activé ?

Brigitte Brunel : Et là, pour moi, c’est la poule et l’œuf : est-ce parce que le cerveau est mal activé qu’il confond b/d, ou parce qu’il confond b/d que ça endort son cerveau ? On n’en sort pas….

Isabelle Canil : Pour sortir de cette impasse il y a une chose qu’on ne peut pas éviter quand on est orthophoniste, c’est la question du langage. Qu’est-ce que le langage ? qu’est-ce que parler ?

Parce que selon la conception ou la théorie du langage à laquelle on se réfère, on va orienter notre travail comme ci ou comme ça.

Arrive un moment où on est bien obligé de penser en terme de symptôme, ce qui ouvre d’autres horizons. On entre dans ce qu’on appelle la subjectivité. Et alors là, les emmerdements commencent. On y était déjà, puisqu’on était dans une impasse… Oui mais ce n’était pas de notre faute si son cerveau était comme ça ! Ni de la sienne, ni de celle de ses parents. C’était la faute de son cerveau, le patient n’y était pour rien.

Pour nous, le langage est bien autre chose qu’un « outil de communication » régi par un cerveau. Bien sûr, un cerveau en état de marche est nécessaire et bien sûr le langage nous permet  de communiquer !

Mais on voit vite que ce langage, ce n’est pas un très bon « outil ». D’ailleurs, si on l’attrape par le bout de la communication, on voit bien comme c’est un peu raté cette affaire-là… Des deux côtés, du côté de celui qui parle et du côté de celui qui reçoit. Tous les malentendus que ça engendre, tout ce que ça ne dit pas, tout ce que ça dit en ayant l’air de dire autre chose, tout ce que ça trahit, tout ce qu’on échoue à dire, tout ce qu’on voudrait dire et ce qu’on dit réellement… Et du côté de celui qui reçoit, tout ce qu’il entend qui n’est pas dit, et tout ce qu’il n’entend pas alors que c’est dit. Avoir à faire avec le langage, c’est avoir à faire avec une sorte d’interprétation permanente. Et je ne veux pas parler de l’interprétation au sens de la psychanalyse, je veux dire que pour tout un chacun, dans un fonctionnement classique, normal, il y a un travail d’interprétation qui se fait, qu’on en soit conscient ou pas.

Donc réduire le langage à l’outil de communication, nous trouvons que ce n’est pas du tout satisfaisant. Ça nie — entre autre — le « ratage structurel ». 

Qu’est-ce que c’est que ce ratage ?

Ce ratage, on peut se le figurer comme un écart, un espace. C’est grâce à ce ratage,  je pense, qu’on peut travailler nous, les orthophonistes. (Et bien sûr plein d’autres métiers). Le plus facile pour se le représenter, c’est de penser à la polysémie qu’engendre tout signifiant. Si je dis le signifiant maison, ou amour, on n’est pas deux à évoquer et se représenter exactement la même chose. Tout simplement parce que le mot n’est pas la chose, et la chose n’est pas le mot pour la dire, il y a un écart entre les deux. C’est ça, que j’appelle « le ratage ». Et c’est peut-être ce  ratage -là qui définit le mieux la spécificité du langage, parce que  c’est là, à cause de ce ratage , ou grâce à ce ratage,  dû à l’essence même du langage, que l’humain est ce qu’il est.

Brigitte Brunel : En effet, c’est ce que vous disait Isabelle avec l’exemple du mot « maison », ou « amour », il y a une construction complètement subjective du sens que chacun met dans cette boîte sonore qu’est le mot. C’est-à-dire que chacun, avec les expériences de vie qu’il fait et qu’il est seul à faire construit le sens du mot qui lui est proposé pour cette expérience-là.

Isabelle Canil : Une autre caractéristique du langage qui permet de mettre à jour ce ratage, c’est la coupure dans le rythme. Par exemple dans un énoncé basique comme « on va manger les enfants !», vous ne comprendrez pas la même chose selon que vous entendez la pause ou pas, que je la marque ou pas. Les deux interlocuteurs sont partie prenante du sens.

Brigitte Brunel : Bon. Mais malgré tout, ça marche quand même !  C’est quasiment un miracle, mais ce miracle a lieu tous les jours ! Et c’est sur ce miracle qu’on compte aujourd’hui quand on vous parle.

Isabelle Canil : Ce ratage, c’est aussi ce qui permet la métaphore, et la métonymie, et la poésie, puisque dans l’écart entre le mot et la chose, il peut y avoir quantité d’autres évocations, images… donc c’est un bon ratage ! Je l’ai appelé ratage, pour exagérer un peu, mais s’il n’y avait pas ce ratage, il n’y aurait pas le langage, il y aurait des codes, univoques, et avec lesquels on pourrait sans doute dire « passez-moi le sel », mais on ne pourrait ni faire des blagues, ni refaire le monde…

Ce ratage structurel, c’est plutôt un écart structurel, c’est aussi ce qui permet les symptômes, qui sont comme une métaphore, c’est à dire, une autre façon de dire ce qui n’arrive pas à se dire autrement pour le moment. Parfois ces symptômes font souffrir et sont coûteux pour le patient, mais on dit aussi que d’une certaine façon, ils  permettent de « dire », et c’est peut-être la seule façon que le patient a trouvé pour dire que ça n’allait pas.

 Quelques mots qui peuvent illustrer comment symptôme et langage s’imbriquent et comment le langage est une sorte de voie royale pour faire advenir des symptômes : Une jeune fille qui faisait énormément de fautes, et qui un jour, à propos d’un S qui ne s’entendait pas (lettre muette), s’énerve, jette le stylo et se met à pleurer en disant « J’en ai marre  de tous ces S, des fois on les entend, des fois on les entend pas », et elle ajoute, « et puis d’abord ma mère tout le monde dit qu’elle s’est suicidée mais c’est pas vrai, on l’a assassinée ! » Je pense que le S, lettre muette sur laquelle elle achoppait, l’avait renvoyée à ces mots de « suicidée » et « assassinée », où effectivement, on entendait beaucoup de S (et qui en prime étaient quand même difficile à entendre). Et puis, cette histoire de S insupportables s’étendait sans doute à toutes les lettres et lui bousillait son orthographe. Alors, le comportement visible, c’était la dysorthographie, mais il me paraît plus « soignant » d’accueillir ça comme un symptôme, plutôt que comme un comportement à refaire.  Avec toute la part de subjectivité que ça comporte et que ça révèle, c’est à dire que  cette dysorthographie et cette impossibilité à maîtriser les lettres, c’était sa parole propre.

Brigitte Brunel : Par exemple, Romain, 8 ans, qui se plaint de lenteur et de difficulté à l’écrit. Un jour en série associative il  me  propose d’écrire « un crocodile », et à partir de son mot, je lui propose « ses grandes dents» qu’il écrit : « c’est grande dedans »

S’ensuit tout une suite d’incompréhensions entre nous où il tente d’écrire le mot « dent », c’est ce qu’il dit vouloir écrire et qu’il ne cesse d’écrire « dans », ou dedans ou un mélange des deux : dens, dant, etc.

Lui qui peut écrire des choses bien plus difficiles s’emberlificote avec ce mot « dent » simple orthographiquement parlant, sans pouvoir en sortir….

Pour moi s’exprime dans cette difficulté (et je peux le dire parce qu’un long travail clinique a précédé ce moment), toute la question de son agressivité (la lenteur masque souvent de l’agressivité), son impossibilité de l’exprimer (impossible d’écrire « dent » qui est bien le lieu de l’agressivité : on dit « avoir une dent contre quelqu’un ») conjuguée à sa peur du dedans. Quand on sait que cet enfant vit collé à sa mère, elle-même vivant dans la même maison que ses propres parents, que le père est éjecté et que Lacan parle de  du « grand crocodile dans la bouche duquel vous êtes, c’est ça la mère. On ne sait pas ce qui peut lui prendre, tout à coup, de fermer son grand clapet », on a une idée de ce dont Romain parle avec ses erreurs  d’orthographe !

Isabelle Canil : On voit bien il me semble, que d’un signifiant à un autre, il peut s’en passer des choses…

Bon, là où on veut en venir, c’est que l’on pense que cet écart structurel dans le signifiant, c’est la source de la fameuse subjectivité dont nous parlions tout à l’heure. Benveniste fait une démonstration que je trouve magistrale du « fondement linguistique de la subjectivité ». Il dit par exemple que « La subjectivité […] est la capacité du locuteur à se poser comme « sujet »¹« Cette subjectivité […] n’est que l’émergence dans l’être d’une propriété fondamentale du langage. Est « ego »qui dit « ego ». ¹

Et si ce je, cet ego, peut se dire, c’est bien que le sujet a un minimum d’écart avec lui-même. Il parvient à « se faire re-présenter » par les mots (ce qui est autre chose que de se « présenter »), et les mots ne sont pas lui. Et les mots échouent à le représenter complètement, totalement lui. Un peu comme au théâtre quand on joue un personnage, on est un je qui joue Tartuffe ou Antigone et qui s’étudie jouant Tartuffe ou Antigone, pour les re-présenter le mieux possible, mais on n’est ni Tartuffe ni Antigone.

Brigitte Brunel : Donc on ne peut pas exclure la subjectivité du langage, subjectivité qui se fonde de cet écart.

Isabelle Canil : Ben non, on peut pas …

Brigitte Brunel : Et il me semble que c’est ce que les courants neuro-cognitivistes nous conduisent à faire, à exclure la subjectivité, en nous proposant tests et protocoles.

Isabelle Canil : Oui, parce qu’un protocole fait comme si le subjectif n’existait pas, ou comme si c’était négligeable, parce que ce n’est pas ça qui compterait dans le langage. Et ça, moi, ça m’énerve, et je pense qu’on se trompe si on pense ça, et donc je résiste à tout ce courant qui déconsidère la subjectivité, qui dévalorise la subjectivité au prétexte que ce n’est pas objectif, donc pas scientifique, comme si subjectivité voulait seulement dire le contraire d’objectivité.

Brigitte Brunel : Cette prétendue objectivité qui fait calculer et additionner les bonnes et les mauvaises réponses à des items de tests, pour conclure qu’il y a tant d’écarts  par rapport à la norme, je n’ai jamais pensé que ça m’apprenait quelque chose sur le langage et le rapport au langage de mon patient. Et je crois que je ne suis pas la seule, compte tenu du nombre d’orthophonistes que j’ai rencontrés en formation et qui ne respectent pas les conditions de tests, ou qui n’en font qu’un bout, et qui finalement ne calcule pas les écarts…

Isabelle Canil : Est-ce que ça veut dire que si nous ne calculons pas les écarts par rapport à la norme, ça ne sert à rien ce que nous faisons ? Je ne le pense pas.

Brigitte Brunel : Les « scientifiques » travaillent sur comment ça marche, le cerveau, le corps, les neurones. Tant mieux, ça sert sûrement à quelques-uns…. mais honnêtement au cours de ma vie professionnelle d’orthophoniste, ça ne m’a pas servi à grand-chose, parce que, parler, ça n’est pas que se servir de ses neurones dans le bon ordre… ça ne s’entraîne pas, sauf dans les cas, et encore, où le corps et /ou le cerveau, est affecté (aphasie, parkinson, maladie dégénérative…) et où un entraînement technique peut aider.  Il n’en reste pas moins que  pour parler, il faut toujours en avoir l’appétence, et donc avoir quelqu’un à qui, avec qui parler (et l’orthophoniste est souvent à cette place-là, la place d’un quelqu’un à qui on aurait envie de parler, qui écouterait ce qu’on aurait à dire, qu’on sait même pas qu’on a à dire, des fois). Et pour percevoir qu’on a quelqu’un à qui parler, il faut aussi être suffisamment séparé…il faut déjà être un peu quelqu’un, quoi. Et ça, je ne suis pas sûre que ça se mesure scientifiquement, la nécessité d’être séparé, d’être quelqu’un. Il n’y a que la clinique quotidienne qui nous ouvre les yeux et les oreilles à ça, à condition que nous-mêmes soyons prêts à entendre. Pour cela on ne doit pas être complètement pris par des contraintes ou injonctions issues de bonnes pratiques ou de protocoles imposés.

Isabelle Canil : Et puis, si on nie que le langage est le siège de la subjectivité, qu’est-ce qu’on lui laisse au langage ?

On lui laisse toute une liste de compétences/performances, définies par les sciences cognitives qu’on peut effectivement chiffrer, noter : mémoire immédiate, mémoire de travail, fluence verbale sémantique, attention, capacité à reconnaître les expressions traduisant les émotions, etc., etc., et puis vitesse de lecture de syllabes, de non-mots, de mots, de phrases, structuration spatio-temporelle…

Bon… pourquoi pas ?

Mais n’empêche, je n’arrive pas à faire comme ça. Je trouve que je ne suis pas là pour ça, que ce n’est pas mon métier de mesurer de cette façon.

Brigitte Brunel : Oui, notre métier est plutôt en lien avec ce que dit Paul Ricoeur quelque part. Il dit que « la vie est une très longue conversation. » Vous voyez, il lie la vie et la parole… Je continue la citation : « Un jour, on réalise qu’on est pris dans une conversation parce qu’on y a été convoqué, et on accepte d’y prendre part. Au début, on ne comprend pas très bien alors on écoute… Au bout d’un certain temps, on parle et on se met à intervenir dans la conversation. »

Et c’est ça notre métier : amener les gens à accepter de « prendre part à cette  conversation » qu’est la vie, leur faire comprendre, leur faire éprouver que, comme le dit Paul Ricoeur ensuite, en y prenant part, ils enrichissent la conversation, la modifie.

Isabelle Canil : Tout ça, c’est à cause de ce qu’on pense du langage ! Vous voyez, c’est pire qu’une religion ! Parce que on a la conviction que le langage n’est pas un simple système de communication, du coup nous avons la conviction que l’humain ne peut pas être un objet modélisable qu’il faut munir des bons comportements, et du coup nous voilà obligés de résister à tout ce qui jaillit de complètement crétin et délétère, des cerveaux d’experts qui décident des orientations du soin. Ce n’est pas de notre faute, on est obligé !

Les orthophonistes se font avoir de la pire manière avec cette histoire de langage qui s’évalue avec des chiffres. Parce que, du coup, on passe à côté de tout ce qui est « invisible », ou en tout cas qui est impossible à mettre en chiffres, alors que c’est justement là que ce qui est important se trouve ; Brigitte tu viens de parler de la séparation, on la mesure comment ? Et puis il y a, je sais pas moi, l’inhibition, la familiarité, le bordel qu’on vous a mis dans votre bureau, un air narquois, un air soumis, mille choses qui se passent dans la rencontre. Et comme on ne peut pas les mettre en chiffres, eh bien, c’est comme si ça n’existait pas ! Et si ça n’existe pas, le tour est joué, le sens du travail s’en est allé.

Une infirmière me racontait comment ça s’était passé pour les infirmières à l’hôpital et comment elles se sont fait avoir quand on a décidé qu’il fallait faire de la « traçabilité ». Elles ont dû écrire sur des fiches de transmission tout ce qu’elles faisaient pour chaque patient. Elles ont noté les piqûres, les perfusions, les médicaments, les prises de sang, tous les soins techniques qui pouvaient s’écrire, et l’heure à laquelle elles les faisaient. Et du coup, leur travail s’est trouvé réduit  à ça, rabattu à ça ! Exit le temps qu’elles avaient passé à écouter un malade, exit la main qu’elles avaient tenue, exit les petites blagues qu’elles faisaient avec celui-là parce que sinon il n’y avait pas moyen de lui poser sa perfusion etc.

Et du coup, on leur a calculé des plannings de fous, où on ne compte que du temps technique, comme si elles pouvaient ne faire que piquer, perfuser, etc… Et comme tout le reste ne peut pas s’écrire sur les fiches de traçabilité, c’est comme si ça n’existe pas ! Donc il n’y a plus besoin de prévoir du temps pour ça. Pourtant, toutes les infirmières disent que la richesse et le sens de leur boulot, ce n’est pas dans l’acte technique qu’elles le trouvent, mais bien dans la rencontre avec le malade.

Les chiffres, c’est une manière de montrer quelque chose facilement. Alors que dans nos métiers il y a une grande part d’invisible. Et comme c’est invisible, ça se niche nulle part et partout, et ce n’est pas facile à transmettre, en quelques minutes, on ne peut pas. Dans ce désir de transparence ou de traçabilité, les chiffres sont rois parce qu’ils prouveraient quelque chose, ils prouveraient le travail. C’est un souci de maîtrise,  de maîtrise des gens, des savoirs…

Brigitte Brunel :  … et aussi  de dépenses de la sécurité sociale.

Le travail orthophonique, pour nous, il est ailleurs.

Isabelle Canil : Et on va maintenant essayer de vous dire où on le place ce travail. On s’est rendu compte que ce qui importait le plus pour nous, ça advenait justement quand on exerçait notre résistance aux prétendues bonnes pratiques orthophoniques, c’est-à-dire, on y reviendra, celles qu’impose le « tout cognitif ». On s’est aperçu que quand on résistait, c’est là qu’on laissait le mieux la possibilité au patient de s’exprimer, de métaphoriser ses questions, c’est à dire, tout bêtement de prendre la parole.

Brigitte Brunel : Et  ça, ça soigne. Et ça soigne encore mieux si nous-même on témoigne de ce que c’est que  prendre la parole, dans un cadre défini, structuré. Pour nous, la résistance elle consiste à réintroduire la subjectivité : entendre celle du patient et ne pas avoir peur de la nôtre, qui entre en jeu aussi.

Vous savez bien qu’il se passe mille choses dans un entretien, dans une séance et qu’on ne peut pas les prévoir. Il faut arriver « désarmé » lors d’une première rencontre. Sans trop de savoir sur ce qui va se passer, sans chiffre, sans test. C’est pour ça que les protocoles, ça ne va pas dans nos métiers ! Je crois que dès qu’on essaie de protocoliser une manière de faire, c’est fichu, elle perd son sens !

Alors, comment on fait ?

Isabelle Canil : Par exemple avec un enfant je vais faire « pff » et montrer comme j’en ai marre. Avec tel autre, je vais tâcher d’avoir l’air impassible comme si tout ce qui se passait ne m’affectait pas le moins du monde. Avec un autre, je vais encourager, soutenir, applaudir.  Avec un autre, je vais faire une moue dubitative… Et c’est ça qui fait effet et travail il me semble ! En tout cas, c’est ce qui permet que tout le contenu de la séance prenne un sens et une orientation, quel que soit ce contenu. Et c’est ça qu’on ne  pourra jamais protocoliser ! Si on les formalise ces choses-là, on les met par terre !

Bon alors, une parenthèse peut-être. Ce n’est pas parce qu’ on est en train de dire que ce qui compte est souvent invisible, non comptabilisable, que ça veut dire qu’on peut se permettre de faire et dire n’importe quoi ! Les Ateliers Chassagny ont beaucoup œuvré à toute une réflexion et une formation sur ce qu’on a appelé « Les marqueurs transversaux », que Claire de Firmas a rédigé en livre. Et dans ce travail, on tâche d’établir les repères symboliques auxquels on se doit d’être vigilants, et il y faut justement  beaucoup de rigueur !

Notre travail exige énormément de créativité et les protocoles tuent la créativité. On a la théorie, on a la pratique qu’on interroge sans cesse,  qu’on modifie, qu’on ré adapte  parce qu’on est obligé. Vous avez tous rencontré des patients avec qui  vous avez été obligé d’inventer. Quand ça ne marche pas, c’est la technique, le protocole, ou le patient, qui est mauvais ?  En tout cas, ça nous oblige à changer notre fusil d’épaule.

Brigitte Brunel :  Par exemple  j’ai pour règle que pendant les séances avec mes patients, on ne mange pas, on ne boit pas. Pas de goûter, pas de chewing-gum, etc., manière de dire que la bouche, on ne passe pas son temps à la remplir. Elle sert aux mots, aussi… 

Un jour, je reçois une dame, qui avait une maladie dégénérative qui occasionnait une dysarthrie. Elle venait pour ça, son mari avait peur qu’on ne la comprenne plus. Elle aussi voulait travailler son articulation, techniquement. C’est ce qu’on lui avait dit qu’on ferait, à l’hôpital… Mais en fait, ça ne l’intéressait pas du tout de faire des exercices articulatoires. Je ne savais pas trop comment  on allait faire. Un jour, ma collègue avait fait du café lors d’un moment de pause et cette dame, en entrant dans le couloir desservant nos bureaux, hume cette bonne odeur de café…. Elle me fait comprendre qu’elle en boirait volontiers un avec moi. J’ai hésité quelques instants et accepté. On papote un peu ensemble autour du café… Puis je lui dis : bon, faudrait qu’on travaille un peu quand même…comment on fait ? Un livre des fables de la Fontaine traînait sur mon bureau. Elle l’a pris, feuilleté et m’a proposé qu’on en apprenne une ensemble, comme ça, elle pourrait la raconter à sa petite fille. Et c’est ce qu’on a fait : café, fable de la Fontaine, articulée correctement, pas trop vite, pas trop lentement, accordant rythme et souffle pour  que ce soit vivant. Evocation de l’enfance, de la maladie, de la vie. Le travail  prend sens et couleur.

Isabelle Canil : Vous voyez bien que pour vous parler de cette dame, Brigitte ne vous fait pas un état des lieux de sa dysarthrie. Elle vous raconte une histoire, et cette histoire parle de sa clinique, de comment elle fait dans sa pratique quotidienne.  

Brigitte Brunel : Et je ne vois pas comment je peux vous transmettre ça autrement qu’en vous racontant des histoires. Et c’est ça notre boulot, faire histoire avec nos patients, même ceux qui ne racontent rien.

 Pour transmettre, il faut de la narration. Et cette histoire de chiffre nous fait perdre le sens de l’histoire.

Vous le savez, les chiffres sont à la base du commerce. Ils ont été inventés pour ça, pour permettre que des choses qui n’ont pas de lien entre elles soient échangeables. Vous pouvez alors acheter 3 kilos de carottes qui valent tant, et avec l’argent reçu acheter n’importe quoi d’autres : des pommes, des vêtements, des stylos etc…  Il s’agit d’ «interchangeabilité ». Les chiffres, les calculs, l’évaluation permettent ça. C’est pratique… Va pour les choses.

Mais pour les gens ? Quelle est cette dérive qui permet qu’un enfant qui a tels troubles évalués avec tel écart par rapport à la norme, peut changer d’orthophoniste  comme ça, pour en voir un autre plus spécialisé, et passer d’orthophoniste en orthophoniste, parce que la question c’est réduire cet écart, avec telle technique, que tout orthophoniste doit posséder, comme si le temps passé ensemble, l’histoire tissée ne faisait pas partie du soin ? Comme si, patient et orthophoniste étaient interchangeables, comme des objets de consommation courante, grâce à la magie des chiffres. Et on le voit tous les jours. Des parents qui changent d’orthophoniste parce qu’une autre est plus près, plus gentille, parce qu’elle a une technique pour les maths (comme si les maths n’étaient pas une question de langage) ou parce que l’école le demande (oui, l’école !). Et ces parents rechignent à venir à un dernier rendez-vous pour qu’on se parle, qu’on se dise au-revoir. Où est le langage dans tout ça ? Où est la conversation ?

Isabelle Canil : Un autre exemple : un jour une dame téléphone pour un bilan pour son petit garçon de 5 ans je crois. Je demande de quoi il s’agit, qu’est-ce qui lui arrive à son petit garçon. Et elle me répond par deux mots : « Mutisme sélectif ». Alors moi, là, je fais un peu la naïve et je dis : « Vous voulez dire qu’il parle par exemple à la maison, mais qu’ailleurs, à l’école, il ne parle pas ? ». Et elle dit oui, c’est exactement comme ça… Et j’ai senti qu’elle changeait de voix même au téléphone. Son ton très cassant qui avait énoncé : « mutisme sélectif », s’adoucissait. Pourquoi ? Simplement parce qu’en faisant 2 minutes de narration, la chose s’humanisait et on sortait de ce diagnostic impossible qui écrasait tout comme si c’était une maladie sans appel !

Brigitte Brunel : Oui, Il faut penser à résister aux diagnostics tout faits et sans appel. Un petit coup de narration vaut souvent mieux qu’un diagnostic à l’allure pseudo- scientifique.

Isabelle Canil : Un autre petit bout de narration : un monsieur qui, suite à un AVC, a une dysarthrie, un manque du mot, manque d’évocations. Avec lui, on retrouve les paroles et on chante des chansons d’amour de Mike Brandt ! C’est comme ça qu’il arrive à repartir de la séance un petit peu ragaillardi jusqu’à la prochaine.

Brigitte Brunel : A ce propos (de narration, pas de Mike Brandt !), je crois que la Littérature peut donner quelque chose de la vérité de notre travail. La « grande » littérature, celle qu’on lit et relit, qui parle de notre humanité et de ses déboires, de notre rapport au monde et à l’autre, et qui peut servir à métaphoriser notre clinique. Par exemple « Lambeaux » de Charles Juliet, « Une langue venue d’ailleurs » de Mizubayashi, les livres de Marguerite Duras, Claude Esteban, Nicolas Bouvier,  etc., etc.  

Isabelle Canil : Il y a aussi une littérature ou, plus modestement, une narration qu’on peut faire, nous, les orthophonistes et les soignants, et dont on veut vous parler…

Au sein des Ateliers, avec Claire de Firmas, on a animé un atelier d’écriture, pendant 3 ans je crois, avec 12 ou 13 orthophonistes. On se retrouvait des dimanches entiers pour écrire des histoires fictionnelles. Pas des cas cliniques, mais quand même, des histoires d’orthophonistes et de langage. Et on a fait un petit recueil, qui s’appelle « Quand la parole s’envole, recueil cacophonique ».

Et avec quelques amis de Pratiques, on s’est retrouvé aussi pendant 3 ans, des week-ends et même des semaines, et  on écrivait aussi des nouvelles sur le soin. Le recueil s’appelle « Le lavadonf » (on était des médecins généralistes, infirmiers et moi orthophoniste). Bien sûr on ne rivalise pas avec Victor Hugo, mais n’empêche, au moins nos histoires parlent de notre travail !  On essaie de faire vivre un moment, on n’est pas prisonnier par l’obligation de fournir un résultat objectif.  Alors on peut rendre compte autrement, d’une autre façon, de la vérité d’une séance ou d’une scène à l’intérieur d’une séance… on évoque une parole, un geste, une phrase suivie d’un geste… Et là, parfois, on  parvient à faire vivre et à transmettre notre travail. Et il me semble qu’on y trouve LE SENS de notre métier et que ça y parle de clinique, même si c’est parfois bien déjanté et complètement fictionnel. Et notre clinique, ce n’est pas dans les chiffres qu’on la trouve ! Ces deux recueils, ce ne sont pas des tracts politiques, mais ça parle de l’orthophonie et du soin qu’on veut défendre, donc pour nous, ce sont des  écrits  qui aident à résister à l’air du temps.

A Pratiques on a aussi fait un numéro qui s’appelait « Subjectif/objectif, l’inextricable », et un autre « Le sens et l’essence du soin ». Et tous les auteurs de ces numéros disent bien que ce n’est pas dans les chiffres qu’ils trouvent sens à leur métier.

Brigitte Brunel : On résiste où encore ?

Isabelle Canil : A l’école. Dans notre relation à l’école. C’est un autre point de résistance  « à la petite semaine », c’est-à-dire sur lequel on a une certaine marge de liberté d’agir. A l’école il y a les fameuses « équipes éducatives » !

Parenthèse : Nous n’avons pas spécialement envie d’être méchantes avec tous les gens qui travaillent dans les écoles ! Nous savons très bien qu’il y a beaucoup d’enseignants qui, eux aussi , résistent comme ils peuvent à toutes les injonctions qui leur tombent d’en haut et qui transforment l’école, en rajoutant de plus en plus d’administratif, de plus en plus de protocolisation, de paperasseries, d’évaluations etc. Je crois qu’on connaît tous des enseignants avec qui on peut parler et avec qui ça sert à quelque chose de se parler. Mais, mais, mais… il y en a qui adhèrent avec un peu trop de facilité à l’idée qu’il existe une réponse rééducative et spécialisée à tous les problèmes des enfants, et forcément, avec ceux-là, on s’entend moins bien et ça ne sert pas à grand-chose de discuter…

Brigitte Brunel : Les équipes éducatives donc : j’y vais le moins possible, mon travail de soignant n’est pas celui d’enseignant. Je ne sais pas faire, moi, avec une classe entière. Je ne sais pas si un enfant doit redoubler ou pas, s’il doit être « orienté » ou pas, s’il a besoin d’une aide dans la classe ou pas. Ce n’est pas mon métier, je fais confiance à l’enseignant qui, à mon avis, sait, lui, dans sa classe, si tel ou tel a besoin d’être aidé. Mais ça n’est pas à moi, orthophoniste, de donner un avis. Ça n’entre pas dans le cadre de mon travail. Et même plus, je crois que  si je me sens trop concernée par la scolarité d’untel ou untel, je n’arrive plus à tenir ma place d’orthophoniste.

Ce qui ne m’empêche pas de discuter avec un enseignant, de partager une expérience scolaire pour lui, soignante pour moi. Je trouve fou que la parole d’un enseignant ne suffise pas à dire qu’un élève a besoin d’un tiers temps, que ses devoirs doivent être raccourcis, que c’est mieux si on lui facilite le travail en lui donnant des photocopies, etc.  Que ce genre de décisions doive passer par la MDPH ou par un bilan orthophonique m’a toujours ahurie. C’est complètement paradoxal : d’un côté on met tout le monde à l’école, en supprimant les établissements de soins, et de l’autre on médicalise la moindre  difficulté scolaire.  Sans compter que  symboliquement passer par la MDPH, ce n’est pas rien. Je vous rappelle que ce sigle est celui de la Maison Départementale de la Personne Handicapée.

Isabelle Canil : Moi il m’arrive exceptionnellement d’y aller. Par exemple, quand je pense que les parents, l’enfant, ont comme besoin  d’un avocat.  Une équipe éducative, il ne faut peut-être pas croire que c’est toujours pour le mieux ! Ce n’est pas forcément la meilleure chose. Ce n’est pas parce que c’est institué par une autorité scolaire ou ministérielle, que c’est une bonne chose. On a le droit (et sans doute le devoir) de réfléchir sur ça, de s’interroger sur cet aspect systématique qui convoque les orthophonistes à ces équipes éducatives. Si l’école les systématise, libre à elle. Mais notre présence à nous aux équipes éducatives, ça c’est notre affaire.

A propos des équipes éducatives, je pense au livre de Jeanne Benameur, « Les demeurées ». Beaucoup d’orthophonistes ont lu ce livre. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est l’histoire d’une femme, la Varienne, qui est en gros handicapée mentale dans le village. Elle a une petite fille. Et quand celle-ci arrive à l’âge d’aller à l’école, les ennuis commencent. La mère et la fille n’ont jamais été séparées. Et la mère ne supporte pas que la petite soit à l’école. C’est une relation presque animale leur proximité. Et la petite à l’école s’enferme dans une sorte de débilité à son tour, et ne peut rien apprendre (enfin, dans un premier temps, après ça va changer). Et moi je me dis, que si elles avaient habité dans mon quartier, il y aurait eu très vite une équipe éducative! Avec enseignant, directeur ou directrice, psychologue scolaire, référent de scolarité, et la malheureuse mère. Et la référente de scolarité ou le directeur aurait introduit la séance en disant qu‘on était là pour le bien de l’enfant et pour voir ensemble comment on pouvait l’aider au mieux.

C’est plein de bonnes intentions mais c’est marrant, c’est tellement formalisé que j’ai souvent eu l’impression que ça devenait vite une sorte de tribunal.

Et puis il faut faire attention, il me semble qu’il y a un glissement qui peut se faire très vite, qui nous met à une place où on doit prendre parti, contre l’école avec les parents, ou avec l’école contre les parents. Il arrive qu’on nous demande d’aller dans le même sens que l’école, de dire la même chose, « parce que sinon on n’arrivera à rien ». Cela sous-entend que la vérité est du côté de l’école et de ses décisions. Or, nous, nous avons à faire avec une autre vérité, celle du patient, de sa famille !

Brigitte Brunel : Si on se laisse faire, si on se laisse définir par l’institution scolaire on va devenir des auxiliaires de l’école. Bon, généralement, les orthophonistes s’en défendent, et ne veulent pas devenir des auxiliaires de l’école. Mais pour ce faire, pour asseoir leur travail de soignant et s’écarter du scolaire, tout un courant s’appuie  sur les sciences neurocognitives.

Mais aux Ateliers, cette option ne nous suffit pas, parce qu’alors, bonjour les protocoles, les injonctions de soins et les évaluations… Mais il ne faut pas croire que parce que nous résistons à tout ça, nous résistons au cognitif.

Isabelle Canil : Mais non. C’est plus compliqué que ça. On n’a pas  à résister au cognitif, ça ne veut rien dire de résister au cognitif. C’est un peu comme si on disait qu’on résiste aux arcs-en-ciel. Il existe le cognitif.

 Ce à quoi on résiste c’est à l’idée, malheureusement dominante, que le cognitif résume tout.  C’est à l’hégémonie du cognitif qu’on résiste ! L’idée qu’il est à la fois le problème et la solution. Et que tout se niche là-dedans, les échecs comme les réussites des patients.

Ça c’est faux ! Ça n’est pas vrai ! Et on voit sans cesse des problèmes qui affectent manifestement une opération cognitive puisque c’est ainsi que se montrent les problèmes. (On a même inventé un nouveau diagnostic pour ça : le TSLA. Là quand même ils ont fait fort ! Trouble spécifique du langage et des apprentissages !  Avec ce S de spécifique, c’est extraordinaire, on peut tout mettre là-dedans, tout pathologiser !). Nous on parle de symptôme, ça fait nettement plus ringard et moins moderne.

Brigitte Brunel : Pour soigner, on ne peut pas simplement rééduquer la fonction cognitive qui a l’air défaillante, ce n’est pas vrai ça ne marche pas. Quand on se trouve devant un symptôme, on est bien obligé de faire avec la subjectivité du sujet, et de travailler avec ce qui se passe entre les deux sujets en présence, le patient et l’orthophoniste.

Isabelle Canil : Vous voyez qu’on  ne retombe pas trop mal sur nos pattes, puisqu’on en revient à la subjectivité dont on parlait au début !

Bon, je vais vous parler cinq minutes de Vicky et du cognitif.

Elle a 5 ans, elle parle très mal et on voit bien que le CP sera difficile. Son papa vit dans un autre pays. Ça fait au moins 2 ans qu’elle ne l’a pas vu. Sa maman parle d’une façon incompréhensible. On ne comprend rien de ce que dit la maman, et elle-même ne nous comprend pas trop non plus. Elle parle très, très fort, en mélangeant l’anglais et quelques mots de français. Elle ne sait ni lire, ni écrire… Je pense qu’une des possibilités de faire avancer Vicky est de réhabiliter la mère au moins aux yeux de la petite. Cette mère est déjà revenue de l’école en larmes, suite à une équipe éducative justement.

Alors je prends du temps, que j’appelle du temps de salle d’attente, je la fais entrer dans le bureau, parfois je lui dis de rester… je me dis que Vicky est une enfant qui n’a pas dû avoir beaucoup de possibilités pour lier toutes ses premières expériences à des signifiants (vous vous souvenez ? la boîte sonore qu’on remplit avec ses expériences de vie…)  parce que la mère me paraît en grande difficulté pour proposer des métaphorisations possibles. Ce qu’elle peut proposer est très, très pauvre. Je me dis que je dois essayer de faire pont entre ce charabia aboyé de la maman et une langue commune. Et chaque fois que je parle avec cette dame, je vois Vicky qui me regarde intensément (elle me regarde en train de parler à sa mère, peu importe ce que je dis du moment qu’elle me sent bienveillante).

Un jour je propose à Vicky un joli tableau à double entrée que j’avais fabriqué, tout bien plastifié, avec des cartes qu’il faut mettre sur les cases. Il y a des couleurs en haut, et sur le côté gauche, il y a des dessins d’habits. Et Vicky n’y arrive pas… Pour réussir un tableau à double entrée, il faut plusieurs compétences  qui sont de l’ordre du cognitif c’est certain. Prendre en compte 2 repères, 2 propriétés distinctes (ici forme et couleur), qui se fondent en une seule chose mais qu’on ne doit pas perdre de vue, et en plus en prendre un en haut et un sur le côté gauche, il y a donc aussi du spatial qui entre en jeu…  Je me dis qu’effectivement, on dirait bien que les opérations cognitives pour réussir à compléter un tableau à double entrée ne sont pas au point chez Vicky. Je le fais avec elle, plusieurs fois, elle aime bien ça. Elle aime m’entendre dire, des chaussettes rouges, une culotte verte, un tee-shirt jaune. Petit à petit, elle y arrive un peu mieux, mais ça ne fait pas « boule de neige », elle y parvient pour quelques cartes, et puis soudain,  n’y arrive plus. Et on dirait bien que c’est impossible de lier deux critères, d’une façon organisée, qui obéisse à une règle. Alors oui bien sûr il y a du cognitif en jeu, mais je vois bien qu’il y a autre chose qui gêne.

Et si je n’arrive pas à lui offrir la possibilité à un moment ou un autre de rattacher cette opération cognitive défaillante à une opération symbolique qui fait problème pour elle, eh bien elle ne saura jamais remplir ce fichu tableau à double entrée. Ça ne sert à rien de faire et refaire si elle ne parvient pas à LIER cette opération cognitive avec quelque chose pour le moment impossible dans l’ordre symbolique. Et je me dis que c’est peut-être tout simplement « LIER » qui est compliqué. Et moi, liaison /déliaison, ça m’aide davantage dans le travail de les référer à une opération symbolique, que de les référer uniquement à des opérations cognitives !

Quand ce tableau est fini, je lui demande de cacher ses yeux et je prends une carte. Ça fait un trou dans le tableau et on doit deviner chacune notre tour la carte qui manque. Elle ne peut pas ! Elle me dit une de celles qui est à proximité du trou… Comme si ce qui manquait ne pouvait ni être dit, ni évoqué, ni représenté. Et c’est bien embêtant parce que c’est quand même le support de toute l’activité symbolique, cette question d’être là ou pas là. Allez métaphoriser quelque chose, quand ce qui n’est pas là sous votre nez ne peut même pas être dit.

Et puis sans crier gare, sans que ce soit amené par rien de visible, elle me dit:

– Où il est ton papa ?

– Il est mort.

– Où il est ton papa ?

– Il est mort il y a longtemps parce qu’il était très vieux…

– Il va revenir ? T’en as un autre ?

Est-ce que c’est la carte manquante qui lui fait évoquer ce papa, qui, de fait, manque réellement pour elle… En tout cas, moi avec elle, je m’applique à voir autre chose que les compétences cognitives, pour lui permettre de « métaphoriser » quelque chose de ce qui fait sans doute question dans sa vie.

C’est ce qu’on a mis sur la plaquette « Je résiste, tu métaphorises ». Il faut qu’elle ait la possibilité et le temps (demain Lydie Morel parlera du temps et de l’immédiateté) de pouvoir donner une consistance par les mots, à ce qui lui fait problème.  Si je n’ai pas ça en tête et si je n’envisage que les ratés du cognitif, je ne crois pas que ça va beaucoup l’aider.

Brigitte Brunel : Vous voyez  qu’on est loin, dans cet exemple que nous a développé Isabelle, on est loin d’un travail de  « réduction » comme on dit, d’un trouble. Ce trouble, on ne peut pas le « réduire » comme ça, grâce à des techniques. C’est une parole ce trouble. Il dit quelque chose… Encore faut-il arriver à la décrypter, cette parole…

Pour le moment, Isabelle, une fois la porte de son bureau fermée travaille comme elle l’entend, appuyée sur une théorie du langage qu’elle a construite avec d’autres, librement, et qu’elle s’est appropriée.

Isabelle Canil : Comme j’ai pu.

Brigitte Brunel : Mais, jusqu’à quand  pourra-t-elle faire comme ça ?

On entend parler de directives d’état qui vont avoir du mal à nous faire chanter sous la pluie.  Chaque enfant présentant des difficultés ou des handicaps doit se voir proposer une réponse, une solution. C’est très bien, on est content.

Sauf que cette réponse est unique  et systématique: tout le monde à l’école. Les ITEP et autres IME vont finir par fermer, les équipes vont se transformer en « dispositifs » volants, qui passeront d’une école à l’autre pour apporter un soutien aux enfants en désespérance. Cela concerne ou concernera  l’enfant «  porteur », comme on dit maintenant d’une simple  dyslexie,  jusqu’à celui porteur d’un TDAH,  d’une surdité, d’un autisme, etc. Tout le monde à l’école … Chez moi, dans la Drôme, ça commence. Et ça commence sûrement ailleurs aussi.  Les orthophonistes  d’un SESSAD  me racontent qu’elles doivent  quitter le lieu où elles travaillaient, où elles avaient leur bureau,  leurs liens avec les autres professionnels,  pour se rendre dans  les écoles où sont envoyés les enfants dont elles s’occupaient avant à l’ITEP.  Dans les écoles où elles n’ont pas de place, pas de bureau, pas ou peu de possibilité de rencontre avec les parents. Et l’ITEP, vidé de ses occupants va fermer.

Dans un autre ITEP, c’est l’école de l’institution qui ferme. L’enseignante de l’ITEP va maintenant dans l’école publique, apporter son soutien aux enfants qu’elle avait en charge auparavant à l’ITEP, qui se vide aussi… sauf pour les enfants qui sont en internat dont on ne sait encore pas trop que faire.

C’est la confusion totale. L’école, lieu de la pédagogie et de l’enseignement devient le lieu du soin. Ou, le soin se « pédagogise », puisqu’on demande aux orthophonistes, ça m’est arrivé, de travailler les conjugaisons, les inversions, et de calculer les écarts-type à partir desquels se décideront les actions pédagogiques… Et la pédagogie elle, se médicalise, puisque tout le monde se retrouve à l’école. Pas plus tard que  la semaine dernière, une orthophoniste m’a rapporté le fait qu’une inspectrice des écoles parle d’ « ensoignants ». Confusion totale !

Isabelle Canil : Jusqu’où va aller la volonté  politique de supprimer les  lieux de soins ?

Ce qui ne va pas, c’est que l’intégration à tout crin à l’école devient la réponse systématique. Au passage, on a une pensée solidaire  pour les enseignants qui doivent se débrouiller avec une telle hétérogénéité d’élèves… Ce qui est aussi invraisemblable, incroyable, c’est que les soignants, ne sont pas consultés. Ces décisions émanent de gestionnaires, comme pour les formations des Ateliers dont on vous a parlé plus haut, qui nous sont maintenant refusées.

Et là, organiser la résistance est beaucoup plus difficile, c’est autre chose. C’est là qu’il faut faire chorale. Ça dépasse la résistance individuelle, qu’on a appelée plus haut résistance « à la petite semaine », qu’on faisait presque « sans le faire exprès ». Est-ce qu’il faut qu’on fasse tous  grève de la faim, comme ils ont fait à l’hôpital  psychiatrique de Rouvray cette année, ou qu’on monte sur les toits ?

 

Conclusion :

 

Brigitte Brunel : Vous voyez, il y a des domaines où seule dans son coin ou avec un syndicat comme la F.O.F, on a encore la main et il faut se battre pour la garder et crier quand on y touche. Par exemple, le décret de compétence de notre profession, notre position par rapport à l’école,  aux évaluations chiffrées, au testing, notre travail quand on est dans notre bureau porte fermée.

Il y a d’autres domaines où c’est  plus difficile, plus compliqué, comme ce dont on vous a parlé plus haut où un SESSAD est transformé en « dispositif » volant. Vous voyez ce que disent les mots : un dispositif, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas un lieu, pas une institution, pas un bâtiment. C’est quelque chose qui ne s’attrape pas.  C’est « volant », presque virtuel… Qu’est-ce que cette ortho a comme possibilité pour refuser ce démantèlement à part démissionner ?

Que faire et que dire devant ce paradoxe de fou qu’on entend dans  l’air du temps où on exalte l’individuation à outrance, le développement personnel, l’optimisation de soi (on n’en a pas beaucoup parlé de ça, mais ce sont des choses redoutables), alors que dans le même temps on  rabote, verrouille ce qui permet initiative  et créativité, c’est-à-dire le travail en équipe, ou à plusieurs, avec temps de réflexion où s’exprime une parole subjective, singulière ?

On nous propose une uniformisation du soin  alors que nous, on défend  le un par un. Du un par un réfléchi à plusieurs, ce qui demande du temps. J’aime bien la phrase de Daniel Pennac : « Statistiquement, tout s’explique. Personnellement, tout se complique », ce qui résume assez bien notre position…

Qu’est-ce qu’il faut faire face à tout ça?  Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas faire grand-chose tout seul. Il nous faut des moments  de rencontre, de partage d’expérience et de réflexion,  comme ceux d’aujourd’hui.  Mais peut-être que ça va pas suffire. Peut-être qu’il faudra en en arriver à l’insurrection ? Aux barricades d’où peut jaillir une parole et une force nouvelles suscitant la rencontre? 

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